Olivier Gabet

Conservateur général du patrimoine et historien de l’art, directeur du département des Objets d’art au Louvre

The French-American Cultural Foundation: YMER&MALTA - Savoir-Faire et Innovation

Fine Art Museum, Houston - 2025

Aujourd’hui, l’artisanat est une valeur profondément universelle, à la croisée de la tradition et de la modernité. Mais l’artisanat, à lui seul, ne suffit jamais. Pour atteindre l’expression ultime de la beauté, il doit être nourri par l’esthétique, par un sens aigu de la beauté, et par une véritable culture du design. Le processus créatif d’YMER&MALTA incarne parfaitement cette exigence.

Depuis plus de quinze ans, Valérie Maltaverne a développé une méthode singulière qui établit un équilibre subtil entre artisanat et design, entre technique et esthétique. Pour chaque collection, elle choisit une technique ou un matériau comme fil conducteur commun à toutes les œuvres à venir, souvent en collaboration avec différents designers. Sa vision fédère ces propositions variées sous une seule et même signature : YMER&MALTA – de manière tout à fait unique.

Il existe en France une tradition forte et profonde de l’artisanat et du design, en écho puissant à l’histoire des arts décoratifs d’hier et d’aujourd’hui : des ateliers médiévaux à la marqueterie de Boulle ou à la pietra dura sous Louis XIV, de l’orfèvrerie et de l’émaillerie de la Renaissance aux manufactures royales puis nationales. À sa manière, le studio de design YMER&MALTA s’inscrit dans cette riche lignée avec une volonté farouche d’inventivité, de recherche, et une audace assumée.

Chaque collection est le fruit de dizaines, voire de centaines de dessins, d’échantillons, d’essais et de tests. Car l’excellence exige un travail acharné, tout en exprimant cette forme suprême d’élégance qu’est la sprezzatura, cette notion née dans l’Italie des Médicis, telle que décrite par Baldassare Castiglione dans son ouvrage mémorable Il libro del Cortegiano (1528) : la véritable élégance, c’est faire sans effort apparent. Et c’est exactement ce que propose YMER&MALTA. Face à ses objets, on fait l’expérience de la beauté ; on devine les efforts nécessaires à leur création, mais on ne les ressent pas.

S’il incarne une certaine idée de l’artisanat et du design français, le studio YMER&MALTA n’est pas pour autant franco-français. Il est profondément ouvert aux autres cultures. Valérie Maltaverne est une voyageuse, une citoyenne du monde, inspirée par les paysages et les promenades en pleine nature, par les montagnes sud-américaines, les rochers granitiques de Bretagne, les arbres, les fleurs sauvages, mais aussi par son amour des cultures africaines et de l’art japonais. Elle propose une traduction personnelle de son imaginaire visuel à travers des objets de design qui deviennent objets de désir. Cela explique sa volonté constante de repousser les limites, ainsi que sa capacité à challenger les designers et artisans qui travaillent avec elle.

Au cours des dix dernières années, YMER&MALTA a été autant soutenu par les collectionneurs qu’acclamé par les musées et institutions artistiques. Le studio affiche un palmarès impressionnant – un mot bien choisi pour Valérie Maltaverne, qui a débuté sa carrière dans un univers professionnel très différent : le cinéma. Cette expérience nourrit aujourd’hui son sens profond de la narration et du scénario. Car chaque collection raconte une histoire.

Deux collections ont notamment vu le jour grâce à sa relation étroite avec deux institutions majeures : le Noguchi Museum à New York, avec la collection AKARI UNFOLDED, et la Cité Internationale de la Tapisserie à Aubusson, avec THE GREAT LADY. Sur les 100 créations originales d’YMER&MALTA, 63 ont été exposées dans des musées, et 27 ont été acquises par des institutions telles que le Centre Pompidou, le Musée des Arts Décoratifs ou le Centre National des Arts Plastiques – tous des musées de référence en matière de design et de métiers d’art en France.

Issue du monde du cinéma, Valérie Maltaverne connaît l’art du scénario. Elle aime rêver, imaginer, voir grand. Autour d’un matériau – marbre, marqueterie, cuir – elle est capable d’inventer de nouveaux mondes à explorer. Autour d’un lieu, elle ose raconter des histoires incroyables, comme celle de THE GREAT LADY, avec Aubusson, haut lieu de la tapisserie et joyau de l’artisanat français. Une série de pièces et de meubles y évoque un conte de fées moderne, où princesses croisent cerfs et ours dans un monde onirique.

Alexandra Deutsch

Directrice des Collections au Winterthur Museum, Baltimore

The French-American Cultural Foundation: YMER&MALTA - Savoir-Faire et Innovation

La Maison Anderson, Washington - 2024

Valérie Maltaverne est la fondatrice et directrice artistique qui guide YMER&MALTA, un studio de design sur mesure incarnant l’essence même du savoir-faire dans chacune de ses créations.
Elle allie le meilleur du passé à une vision contemporaine, imaginant un univers singulier pour chaque pièce produite par YMER&MALTA.
L’excellence des matériaux, l’innovation dans le design et un engagement sans faille envers des objets d’art et du mobilier exceptionnels et intemporels nourrissent la vision unique de Maltaverne.
Sa volonté de renouveler les techniques les plus nobles de l’artisanat français alimente l’énergie inépuisable qu’elle consacre à chaque collection de YMER&MALTA.

Fondé en 2009, YMER&MALTA a élevé la création de mobilier d’art, de tapis et d’objets utilitaires au rang de haute couture sur mesure.
En collaborant avec plus d’une trentaine d’artisans pour donner vie à ses collections, Maltaverne puise son inspiration dans la nature et la poésie. Elle ne fait aucun compromis.
Son exigence de réunir excellence artisanale, design et matériaux dans des pièces parfaitement fonctionnelles prouve que le mobilier d’art contemporain et les arts décoratifs, dans leur plus haute expression, peuvent trouver leur place aussi bien dans les maisons que dans les musées.

« Ni le temps ni le coût ne déterminent nos créations. Elles sont achevées lorsque ma vision est pleinement réalisée », explique Maltaverne.

Telles sont les paroles d’une visionnaire dont l’incarnation du savoir-faire s’exprime dans tout ce que crée YMER&MALTA.

Hervé Lemoine

Président du Mobilier national

Collection Eidos XXI - 2022

En présentant cet ensemble pensé par YMER&MALTA et le designer Benjamin Graindorge et réalisé au sein de l’Atelier de Recherche et de Création (ARC), le Mobilier national renoue avec la tradition française d’ensemblier en matière d’aménagement et de décoration des pièces à vivre.
L’harmonie esthétique et la cohérence fonctionnelle de ce projet s’inscrit aussi dans une histoire, celle des arts décoratifs à la française. En entrant dans les collections nationales, il rejoint donc quatre siècles d’excellence et de créativité.

L’ensemble EIDOS XXI a pu voir le jour grâce au talent de ses concepteurs et au savoir-faire de l’ARC qui permet aux designers de mettre à l’étude et développer leurs idées les plus subtiles, au contact de techniciens d’art doués d’une maîtrise de haute qualité. Le Mobilier national souhaite ainsi, plus que jamais, expérimenter, et faire valoir l’innovation créative en matière de design et de métiers d’art.

Franck Riester

Ministre de la Culture Remise de médaille de Chevalier des Arts et des lettres

Remise de la médaille à Valérie Maltaverne
Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres – 2020 

Discours de Franck Riester, ministre de la Culture, prononcé à l’occasion de la cérémonie de remise des insignes de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres à Valérie Maltaverne, mercredi 8 janvier 2020.

Mr le Ministre, cher Renaud Dutreil,
Mme la directrice générale, chère Sylvie Correard,
Mr le directeur général adjoint, cher Olivier Gabet,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Chère Valérie Maltaverne,

Quel plaisir d’être parmi vous ce soir pour vous témoigner de la reconnaissance qu’a la France pour votre parcours !

Merci au Musée des Arts Décoratifs, dont je salue la directrice générale, chère Sylvie Correard, de nous accueillir ce soir. Et merci à vous, cher Olivier Gabet, de mettre à l’honneur Valérie Maltaverne et son œuvre.

Grâce à vous, nous découvrons ce soir les dernières créations du studio Ymer&Malta, qui sont remarquables sous bien des aspects – comme vous venez de le souligner, M. le conservateur en chef du patrimoine, cher Bruno Ythier.

Chère Valérie Maltaverne, cette collection consacrée à l’art de la tapisserie est l’aboutissement d’un long travail collectif que vous avez dirigé avec tout l’engagement, la liberté et l’exigence qui vous caractérisent.

Comme dans vos collections précédentes, ces créations sont nées d’un fécond dialogue avec de grands designers et artisans. Profondément visionnaires, elles élèvent le mobilier au rang d’art.

« N’importe quel matériau, n’importe quelle idée qui s’incarne sans entrave dans l’espace » peut être considéré comme de la sculpture, disait Isamu Noguchi – dont vous avez brillamment réinterprété l’une des œuvres emblématiques pour l’exposition « Akari unfolded » dans son musée à New-York.

Conçues comme des objets de vie, les pièces que vous imaginez sont autant d’œuvres qui explorent les infinies potentialités de cet art de la matière et de l’espace qu’est la sculpture.

L’originalité et l’excellence technique qui caractérisent vos créations sont le fruit du travail exceptionnel que vous menez avec résolution, passion et minutie.

Cet élan créatif qui vous anime vous a d’abord mené vers la production cinématographique, en particulier d’œuvres d’animation.

Durant votre carrière dans ce secteur, votre énergie, votre ambition et votre sens du défi frappent déjà tous ceux qui vous côtoient.

Déterminée à faire aboutir des projets innovants, vous parvenez, notamment, à rallier les soutiens nécessaires à la production d’une série de contes de fées revisités par de grands dessinateurs comme Moebius ou Cabu.

Cette œuvre, qui s’affranchissait des contraintes que s’impose d’ordinaire la télévision, a été remarquée par la critique. Elle est emblématique de votre audace, et de votre irrésistible habileté à trouver les moyens d’entraîner les artistes vers de nouvelles contrées.

Il y a à peine plus de 10 ans maintenant, vous décidez de vous consacrer à un nouveau mode d’expression.

En créant votre studio Ymer&Malta avec Rémy Le Fur, vous vous donnez les moyens d’une entière liberté pour tracer votre propre voie dans le monde du design.

En tant que directrice artistique de cette structure originale, vous êtes au cœur de l’aventure collective qu’est la création. Meneuse hors pair, vous conservez de votre expérience de productrice le sens du risque et le goût du travail sur le temps long, du bourgeonnement d’une idée aux ultimes étapes de sa concrétisation matérielle.

Prendre le temps : c’est l’une de vos exigences essentielles. Elle traduit votre refus radical de tout raccourci, de toute tricherie dans votre quête absolue de perfection.

Pour vous, la création a toujours pour point de départ un défi. Avec votre intuition comme seul guide, vous empruntez les chemins de traverse sans jamais chercher à vous conformer aux tendances du moment.

Créer, c’est avant tout rechercher, explorer, imaginer de nouveaux moyens de donner corps à une vision qui ne cesse elle-même de s’enrichir au fil des expérimentations.

Voilà pourquoi vos œuvres présentent une telle singularité, une telle originalité, qui reflètent la sincérité et la liberté de votre démarche artistique.

Nous vous devons ainsi d’avoir revisité le marbre, auquel vous avez donné une légèreté de plume.

Mais aussi d’avoir donné un nouveau souffle à la marqueterie, dans la très remarquée collection « feu de tout bois » qui a fait entrer dans un nouvel âge cette technique qui restait irrémédiablement associée à l’art d’André-Charles Boulle.

Et aujourd’hui, cette magnifique collection consacrée à la tapisserie d’Aubusson confirme votre capacité à réinventer les savoir-faire d’exception qui font partie de notre patrimoine commun.

Grâce au travail mené avec les designers et les lissiers qui sont les gardiens de cette technique, vous avez repoussé les limites de l’art de la tapisserie. Merci, chère Valérie Maltaverne, de faire vivre ces savoir-faire traditionnels en les mettant au cœur de la création contemporaine.

En dirigeant le processus de création à la manière d’une cheffe d’orchestre, vous faites preuve d’une formidable capacité à tirer le meilleur de chacun des designers et artisans qui contribuent à la conception et à la réalisation des œuvres.

En leur transmettant la conviction qui vous anime, vous savez les mener à porter un regard neuf sur leur technique, à explorer de nouveaux chemins.

Vous avez ainsi contribué à révéler de jeunes talents, comme Benjamin Graindorge, Sylvain Rieu-Piquet ou Sébastien Bergne.

Merci de partager votre inspiration avec tant de créateurs.
Cette inspiration se fonde en grande part sur votre rapport à la nature.

L’attention que vous portez aux matériaux naturels d’exception, ainsi que les lignes organiques des pièces que vous créez, témoignent d’un profond respect pour la beauté de la nature que révèle votre art.

Votre banc « Fallentree », exposé en ce moment au Louvre Abu Dhabi, incarne parfaitement cette poésie de l’essentiel qu’expriment vos créations.

Comment, alors, ne pas repenser aux mots de Constantin Brancusi qui affirmait que l’artiste parvient à la simplicité « en s’approchant du sens réel des choses ».

Oui, c’est bien cette simplicité qui caractérise vos créations. Une simplicité synonyme de perfection, car elle est l’expression juste d’une vision affinée par la recherche et l’expérimentation.

Chère Valérie Maltaverne,

Cet engagement total, vous ne le réservez pas qu’à la création. Votre fougue, votre enthousiasme vous accompagnent à tous les moments de la vie. Notamment dans vos voyages où vous aimez vous immerger dans d’autres cultures, et lors des fêtes que vous illuminez de votre énergie communicative.

Tous ceux que vous avez réunis ici ce soir connaissent votre authenticité, votre sincérité. Ils savent l’obstination dont vous savez faire preuve lorsqu’il s’agit de réaliser quelque chose à laquelle vous croyez.

Je souhaite également adresser une pensée chaleureuse à votre mari Bernard, que je salue, ainsi qu’à vos deux filles Joséphine et Louise, qui sont également présentes ce soir. Je sais à quel point le soutien de votre famille vous est précieux dans votre quotidien rythmé par le travail créatif.

Chère Valérie Maltaverne,

Devant tous ceux que vous avez souhaité réunir ce soir, vos proches, vos amis, ceux qui comptent dans votre art et votre vie,

Dans le Musée des Arts décoratifs, institution nationale qui a, comme d’autres, intégré certaines de vos œuvres à ses collections en reconnaissance de leur qualité remarquable,

Pour votre contribution singulière et innovante à la vitalité du design et des métiers d’art français,

Pour tout ce que vous avez déjà fait, et tout ce qu’il vous reste à accomplir, Nous vous faisons Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres

Olivier Gabet

Directeur Musée des Arts décoratifs de Paris

Le Studio YMER&MALTA - 2020

Presque sous le radar, loin des pressions commerciales, le studio de design parisien YMER&MALTA obtient depuis quelques années une reconnaissance extraordinaire de la part de grandes institutions. Les deux dernières collections ont été commanditées par des musées : « AKARI UNFOLDED» pour le musée Noguchi et « THE GREAT LADY » pour La Cité internationale de la Tapisserie d’Aubusson. Sur les 100 pièces produites par YMER&MALTA au cours de la dernière décennie, 60 ont été exposées par des musées et 20 ont été acquises dans le cadre de leurs collections permanentes, comme le Musée des Arts Décoratifs de Paris, le Centre Pompidou ou le CNAP (Centre National des Arts Plastiques).

La clé du succès du Studio est l’extraordinaire projet mené par sa directrice de création, Valérie Maltaverne, qui a entrepris il y a 10 ans de révolutionner une à une les techniques historiquement utilisées dans le domaine des arts décoratifs – marbre, verre, cuir, marqueterie de bois, lumière, tapisserie …afin de créer de nouveaux univers de design pour le XXIème siècle.

Remettre en question les frontières d’un artisanat centenaire ne va pas de soi : la réinvention nécessaire pour exécuter des objets jamais vus auparavant nécessite des années d’expérimentation de nouvelles technologies ou de nouvelles formes d’utilisation. Cela demande surtout une collaboration intime et patiente entre la directrice du studio et les artisans.

 

Pour chaque matière et collection, le processus commence par un concept formulé par Valérie Maltaverne. Ce concept est proposé à des designers industriels. Valérie échange avec eux jusqu’à l’obtention du dessin parfait : cette phase peut durer plus d’un an. Alors commence le sourcing des artisans de talent qui vont se passionner pour des projets qui remettent en question les limites de leurs compétences. Quand le Studio travaille sur le développement de nouvelles techniques Il faut souvent de deux à cinq ans de recherches et d’expérimentations pour créer la pièce « parfaite » qui va intégrer les collections et servir de base technique pour des commandes particulières.

En France, la Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson, dont les tapisseries font l’objet d’une fierté nationale depuis l’époque médiévale, et dont le chapitre du XXe siècle a été marqué par Jean Lurçat, a chargé YMER&MALTA de développer une toute nouvelle collection qui a été dévoilée en janvier 2020 lors d’une présentation privée au Musée des Arts Décoratifs de Paris, à l’occasion de la remise des insignes de Chevalier des Arts et des Lettres à Valérie Maltaverne par le Ministre de la Culture. Jamais auparavant la tapisserie n’avait fait partie du mobilier contemporain d’une manière aussi innovante et poétique comme l’a fait remarquer Bruno Ythier , conservateur en chef du musée de La Tapisserie d’Aubusson dans sa présentation.

Les pièces YMER&MALTA sont historiques au vrai sens du terme.

Cloé Pitiot

Conservatrice, Musée des Arts Décoratifs de Paris

Valérie Maltaverne, fondatrice et directrice artistique YMER&MALTA - 2020

En faisant entrer l’innovation technologique dans les métiers d’art traditionnels, YMER&MALTA impulse un mouvement novateur au sein du patrimoine culturel français.”

Ses œuvres reflètent sa générosité, pièces réalisées à 4 mains et 2 cerveaux. Valérie sait où elle veut emmener les gens et en même temps elle le fait de manière généreuse. Tout en pilotant la création, elle reste dans l’écoute le dialogue, elle n’est pas juste une directrice artistique.

Il se passe toujours un échange avec le designer, l’artisan, le conservateur. Elle a une soif de découverte. Elle n’a pas qu’une casquette. C’est une créatrice qui n’a pas un profil comme les autres. Aujourd’hui c’est une méthode qui n’existe pas. Il faut remonter à l’époque du studio d’Eileen Gray, de celle des ensembliers décorateur pour trouver cette façon de faire. Elle apprend en travaillant avec les artisans.

Avec toute la torture de l’âme du créateur, ses créations sont puissantes de légèreté alors qu’elle se ronge intérieurement si elle n’y arrive pas, ce qui est le propre de l’artiste. Elle et ne sait pas quand s’arrêter. Elle ne lâche jamais rien, et le résultat est là. Elle est dans l’émotion d’où sa sincérité. Elle est curieuse de l’âme humaine, elle a une relation intime avec ses pièces de mobiliers.

Bruno Ythier,

Curateur en Chef du Patrimoine,
La Cité Internationale de la Tapisserie

Collection: La Tapisserie d’Aubusson
The Great Lady - 2020

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La Suisse… une grande station et à ses marges, un chalet, nous sommes à Saint Moritz, Davos ou Crans Montana. Le paysage grandiose, et l’architecture typique d’une somptueuse architecture de bois comme suspendue sur les pentes du Valais ou des Grisons. Alors que les reflets métalliques de la neige donnent une luminosité incomparable au crépuscule, les hôtes du chalet investissent leur espace de vie au milieu de meubles uniques, précis et chaleureux. Dans le séjour, la vision d’un sous bois dans la brume, c’est un élégant sofa, deux places, à la structure quasi invisible et dont la garniture textile tissée offre une tranche de paysage forestier, en hiver, dans une ambiance sublime et délicate. Devant la cheminée, un banc rappelle le bois brulé et la tapisserie s’échappe et nous apostrophe dans sa forme au dessin net et précis comme une calligraphie, en décalage avec sa matière épaisse et sensuelle, chaude et confortable. Au mur de la chambre une console à la matière étrange où un paysage équivoque peut être lu comme un micro paysage dans des lichens comme on peut les admirer sur les rochers, à moins que l’on préfère voir une cartographie d’un espace de nature et de jardins… L’armoire est ornée d’un ours tissé tout en puissance, masse d’énergie dont les fils vivants rappellent que les essences précieuses de la structure du meuble furent d’abord arbres massifs et élancés avant d’être planches. Cette peau textile fleure bon les détails de fourrures peintes par Géricault. Et la bestialité nous rappelle que la laine vient de l’animal et nous donne aussi sa chaleur et sa force tout autant que sa douceur et son moelleux. Et que dire de l’étrange tapis autant minéral que mousse ; autant eau qui sourd d’une anfractuosité rocheuse ou au pied d’un névé dans les pentes verdoyantes qui annoncent l’été. , seulement citer Baudelaire, Là, tout n’est ordre et beauté / Luxe, calme et volupté. Plus appliqué au domaine d’YMER&MALTA, le texte d’André Véra1 résonne singulièrement devant ses œuvres : Bienheureux celui qui aime son temps : il a des journées savoureuses.

Pour parvenir à cette sensation de collection pensée à la fois dans son harmonie d’ensemble que dans le moindre détail de chaque meuble tout en renouant avec la tradition de l’usage de la tapisserie de lisse comme garniture de mobilier, il faut toute l’énergie d’YMER&MALTA, son œil implacable, sa direction artistique ferme et assumée. Sa vision est claire : le meuble pensé comme une œuvre singulière pensée toutefois dans une logique d’ensemble chère à ces mouvements décoratifs enracinés dans le l’histoire de l’art : pas de tapis sans le banc qui va dessus, pas de lampe sans le bureau sur laquelle elle sera posée.

Et une même exigence pour chaque étape : Valérie Maltaverne transcende la relation traditionnelle entre artiste, portant le projet créatif, et le lissier, détenteur du savoir faire pour le mettre en forme. Valérie s’interpose, prend la direction de la relation et démultiplie ce dialogue déjà fécond. Elle demande plus au designer pour son projet, pour l’affirmer et ne rien laisser au hasard. Elle l’amène à s’impliquer dans le matériau, le penser pour l’intégrer pleinement à son projet. Dans la relation avec le lissier, Valérie, dirige l’interprétation textile. Les mood boards, faits d’images a priori incongrues, qu’elle envoie aux ateliers les nourrissent avec brio, fécondent l’inventivité de l’artisan d’art. Valérie induit une complicité active, intense parfois tendue qui pousse l’artisan à fouiller dans sa technicité : il ose, recherche dans l’ancien, essaie, emploie une logique de tissage normalement appliquée à un autre usage, bref, la maïeutique qu’elle installe sublime l’intelligence du geste, de la matière, de la texture, de la couleur. La démarche itérative avec le designer d’abord puis l’artisan ensuite, pousse dessin, matières, techniques dans leurs retranchements. Le lissier doit lui aussi pousser plus loin ses fournisseurs, tel son filateur ou son teinturier. C’est là toute la grande chaîne du patrimoine culturel immatériel (tel que l’Unesco l’a considéré en 2009) qu’est la tapisserie d’Aubusson qui est là bousculée, et qui donne le meilleur d’elle-même au service d’une vision, de la vision sure d’une collection.

Avec cette nouvelle collection, le studio YMER&MALTA, renoue avec la grande tradition des pavillons d’exposition universelle tels qu’on les a connus jusqu’à la seconde guerre mondiale. On repense à l’Hôtel du Collectionneur des Ruhlmann, à l’Ambassade Française de la Société des Artistes Décorateurs, de l’exposition de 1925. A l’époque, François Carnot, Président de l’Union Centrale des Arts Décoratifs, écrivait : il faut dans la mesure du possible que chaque objet présenté participe à la constitution logique d’un ensemble homogène. Dans ces pavillons, tout était invention, subtilité et raffinement, comme YMER&MALTA nous le propose ici avec sa collection de mobilier tissé pour un chalet.

YMER&MALTA à Aubusson, c’est pour les lissiers et toute la filière une aventure technique et esthétique qui n’est pas arrivée dans la cité creusoise depuis les grandes commandes d’ameublement de Süe et Marre, de Charles Dufresnes, de Maurice Dufrène ou de Paul Follot.

YMER&MALTA n’a pas seulement mobilisé et su jouer avec le patrimoine immatériel qu’est la tapisserie d’Aubusson : elle l’a enrichi.

Emmanuel Gérard

Directeur, La Cite Internationale de la Tapisserie

Collection: La Tapisserie d’Aubusson
The Great Lady - 2020

Avec cette collection développée en partenariat avec le studio YMER&MALTA, la Cité Internationale de la Tapisserie d’Aubusson explore un nouveau pan de la création contemporaine. Reposant sur un modèle original de partenariat public-privé, cette collection est partie intégrante du projet de développement construit depuis 2010 autour de ce grand savoir-faire qu’est la tapisserie d’Aubusson.

Ce patrimoine de renom mondial, à l’histoire si riche et cependant loin d’être achevée, est parfois enfermé dans une image certes noble mais quelque peu passéiste. La politique de création contemporaine initiée par la Cité, qui permet à des artistes et créateurs contemporains de confronter leur univers à ce grand patrimoine, a vocation à renouveler le regard du public et des professionnels sur la tapisserie d’Aubusson.

Cette collection innovante, conçue par le studio YMER&MALTA, est un ensemble de sept pièces de mobilier intégrant des tissages en tapisserie d’Aubusson. Valérie Maltaverne, directrice du studio, a travaillé non seulement avec son équipe de designers, mais a aussi collaboré de façon originale avec les lissiers d’Aubusson pour obtenir d’eux des textures inédites, poussant ces artisans détenteurs d’un savoir-faire unique à explorer des territoires inconnus de leur propre technique.

Cette écriture d’un nouveau langage en Tapisserie d’Aubusson est également riche d’enseignements pour les élèves-lissiers du Brevet des Métiers d’Art qu’accueille la Cité internationale de la tapisserie, à qui il appartient de s’approprier ces nouveautés pour construire la tapisserie de demain.

 

 

Dakin Hart

Senior, Conservateur en chef Musée Noguchi - New York

Collection: AKARI UNFOLTED - 2018

YMER&MALTA insuffle une nouvelle vie dans l’univers des savoir-faire français et ses disciplines artisanales vieilles de plusieurs siècles, qui forment l’épine dorsale de l’industrie du luxe française.

La clé de l’incroyable succès artistique du studio a été la capacité de sa fondatrice, Valérie Maltaverne, à marier son profond respect pour ces traditions artisanales (et l’art de vivre qu’elles représentent) avec le désir créatif de les voir évoluer, non seulement en les adaptant au goût du jour mais en les nourrissant de technologies et d’idées nouvelles.

La méthode de travail collaboratif de Valérie Maltaverne reprend sa façon de faire dans le monde de l’audiovisuel (une précédente carrière), celle des ateliers artisanaux et une prise de risque collective digne des start-ups de la Silicon Valley. YMER&MALTA emploie de nombreux designers – débutants ou confirmés – et artisans – traditionnels ou à la pointe de la technologie – avec lesquels Valérie Maltaverne travaille en tant qu’auteur. Tout ce que produit YMER&MALTA est l’expression de sa détermination à synthétiser l’ancien et le nouveau, en innovant à partir des valeurs de chacune des traditions artisanales qu’elle aborde.

La petite lampe sur batterie « Belle de Nuit » est un bon exemple de cette hybridation. Valérie est tombée amoureuse d’un prototype imprimé en 3D au cours de ses  recherches de formes pour la grande « Belle de Jour » et décida d’en produire une version brute, directement issue de l’impression 3D, et une version polie, plus classique, en fine porcelaine (biscuit) dans un petit atelier avec l’aide d’un maître céramiste retraité de la manufacture de Sèvres.

Le sculpteur et designer Isamu Noguchi (1904-1988) a décrit son propre engagement  « anti-nostalgique » en inscrivant les cultures matérielles pré-modernes comme le  véritable prolongement de traditions anciennes. Les sculptures lumineuses Akari, sa contribution la plus complète et la plus importante à l’élargissement du champ de la sculpture et la récompense de ses efforts pour donner au passé un nouveau futur, constituaient, comme le travail de Valérie Maltaverne, une synthèse de l’artisanat et de l’industrie.

Noguchi a souvent prototypé de nouvelles formes de lanternes en sculptant du polystyrène (léger, bon marché et facile à travailler) pour produire de laids et fragiles modèles qui incarneraient aujourd’hui le côté sombre de la société de consommation américaine. Ces modèles étaient expédiés au Japon où des maîtres-artisans traduisaient leurs formes avec le bois souple utilisé pour Akari. La principale innovation des lampes Akari de Noguchi fut cependant la plus évidente : pour amener dans le 20ème siècle les lampes en papier traditionnelles éclairées à la bougie, il suffisait de les électrifier! Avec la combinaison (hérétique) de l’ampoule électrique – symbole de la modernité – et le papier washi, Noguchi créa des lampes intemporelles avec la force vitale de la lumière naturelle.

Pendant près de 20 ans (1956-1974), le plus sensible, audacieux et sympathique revendeur d’Akari dans le monde fût le galeriste Steph Simon à Paris, plus connu pour avoir présenté et défendu le travail de Jean Prouvé et Charlotte Perriand. Grâce à Steph, Akari a eu un impact particulièrement puissant sur le design en France. Valérie fait partie des nombreux créateurs qui les lui ont achetées, on vécut avec elles et ont été inspirés par elles.

Ce projet, réalisé pour le Noguchi Museum, résulte d’une visite du musée au cours de laquelle Valérie eu l’idée d’appliquer sa méthode à Akari. Le challenge était de voir si elle pouvait, en traitant Akari comme un artisanat traditionnel, étendre son alchimie fondamentale (ce que Noguchi appelait les « qualités intrinsèques » d’un artisanat dont la production ne pouvait pas être contrefaite – ce que démontrent les nombreuses tentatives de copies des lampes Akari à l’ère du LED.

Finalement, le modeste projet d’YMER&MALTA consistant à produire six modèles inspirés d’Akari s’est transformé en une énorme collaboration internationale à laquelle ont participé cinq designers et plus de vingt artisans de différentes disciplines. Surmontant de nombreux obstacles techniques, ils ont poussé le lin, le métal, la résine, le plexiglass, le béton et le papier dans de nouvelles directions pour produire vingt-neuf luminaires qui rejoignent l’héritage éclatant et toujours grandissant d’Isamu Noguchi.

 

Cloé Pitiot

Directrice du Design, Centre Gorges Pompidou

YMER&MALTA - 2018

YMER&MALTA occupe une niche très particulière dans le monde du mobilier, à la charnière du design, de l’art et de l’artisanat. En utilisant des métiers d’art traditionnels combinés à l’innovation très contemporaine, YMER&MALTA crée des pièces atemporelles en éditions limitées, destinées à un public d’esthètes et de fins connaisseurs.

Il ouvre une nouvelle voie d’expression à la croisée de l’art and craft et du modernisme entre savoir faire et innovation, en alliant la rigueur et la sobriété de la ligne, à la virtuosité et à la liberté du geste